Les applications gratuites le sont-elles vraiment?
Aujourd’hui, de plus en plus d’applications et de services proposent aux consommateurs d’utiliser leur application "gratuitement". Néanmoins, en y regardant de plus près, cette utilisation n’est pas réellement gratuite et l’utilisateur "paye" malgré lui. Nous verrons de plus près si ce "paiement" d’une manière ou d’une autre est vraiment souhaitable?
Tout d’abord, il faut savoir qu’en économie la gratuité n’existe pas. En effet puisque la production d’un bien ou d’un service de qualité génère un coût, celui-ci doit être supporté par quelqu’un. Par exemple si l’on prend l’exemple des services publics comme les sapeurs-pompiers, ce quelqu’un est le citoyen, qui doit s’acquitter de ses impôts envers l’Etat. En ce qui concerne les offres marchandes, la gratuité consiste simplement à faire payer le consommateur d’une manière détournée.
Si de nombreux sites ou applications offrent aujourd’hui un service gratuitement, cela a plus valeur d’argument choc qu’autre chose, il est donc légitime de se demander quel est la contrepartie offerte par l’utilisateur. Ces services ayant un coût, il faut donc creuser un peu pour savoir comment font les développeurs pour maintenir cette "gratuité".
Le développement et le support d’une application ou d’un service en ligne ont un coût
Comme expliqué précédemment, la gratuité est un terme galvaudé, si vous pensez utiliser un produit ou un service de manière gratuite, ce n’est pas tout à fait le cas.
Publicités, dons, impôts selon la situation, cette gratuité est relative. En ce qui concerne les applications dites gratuites, bien souvent l’utilisateur doit en fait regarder des publicités (permettant ainsi aux développeurs de l’application ou service d’être rémunérés) ou comme dans de nombreux cas, c’est la vie privée de l’utilisateur qui va servir de monnaie d’échange (de manière non consciente assez souvent), mais nous reviendrons sur ce dernier point plus tard.
Comme vous pouvez vous en douter, la mise en oeuvre et le support d’une application ont un coût. Il est donc légitime qu’un service (application ou autre) rétribuée d’une manière ou d’une autre par ses utilisateurs. En effet, si l’on prend l’exemple d’une application, il faut savoir que sa conception, sa mise en oeuvre, ainsi que son support continue, ont un coût humain, technique et matériel (souvent supérieur à ce que l’on pourrait penser). la qualité a un prix, il faut voir la chose comme ceci: peut-on offrir un service de qualité sans y mettre les moyens nécessaires? Pis, peut-on supporter un service sans moyens?
Dans le digital, il existe plusieurs moyens pour les développeurs de trouver un financement afin de permettre à leur service de subsister.
Le plus simple reste le service payant, plusieurs business models sont possibles:
Un achat simple d’une licence
Une souscription (abonnement)
Néanmoins à l’ère du digital, de nouveaux types de financements ont vu le jour, permettant ainsi la "gratuité" des services à l’aide d’une monétisation indirecte:
Les dons et subventions: on peut voir aujourd’hui des sites comme Wikipédia, qui continuent de subsister à l’aide de leurs communautés. Dans le cas de Wikipédia, la communauté aide à la modération et la gestion du site, tandis que les dons reçus permettent de financer de cette encyclopédie géante en ligne
La publicité: on la trouve partout aujourd’hui sur Internet, sites, applications, jeux... La publicité permet à nombre de développeurs d’applications d’être rémunérés.
L’exploitation et la vente des données collectés: par ladite sapplication ou service en ligne.
L’exploitation des données personnelles ou la nouvelle ruée vers l’or
La donnée est le "nouvel or noir du XXIème siècle", lit-on depuis quelques années. En effet depuis quelques années le marché de la donnée n’a cessé de grandir, data brokers, GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et autres acteurs s’échangent ces données à des fins commerciales.
Le commerce de la donnée a engendré de nombreux scandales, en effet ces échanges commerciaux ont très souvent été fait à l’insu des utilisateurs. On peut citer notamment l’affaire Cambridge Analytica, qui dès 2014 s’est mis à recueillir les données de 87 millions d’utilisateurs Facebook afin de permettre à certains hommes politiques ayant eu recours aux services de Cambridge Analytica d’influencer les intentions de votes en leur faveur, notamment durant le Brexit. "Sans Cambridge Analytica, il n'y aurait pas eu de Brexit", nous dit Christopher Wylie, ancien salarié de l’entreprise et lanceur d’alerte.
Ce genre d’affaire existe également en France, en effet l’émission Cash Investigation du 6 octobre 2015 a révélé comment La Poste, à travers sa filiale Mediapost, achetait et revendait des données personnelles aux grands e-commerçants, la grande distribution, aux grands groupes (Carrefour, Nestlé, Auchan).
Les business models des applications dites "gratuites"
"Si vous ne payez pas pour l’utiliser, vous êtes le produit ", une affirmation sur laquelle tout le monde s'accorde sur le marché du digital et de la donnée. Si l’on prend l’exemple de Duolingo, l’entreprise a durant ses premières années "usé" de ses utilisateurs afin de générer des profits.
Lorsque Duolingo a débuté, l'entreprise offrait gratuitement une expérience premium avec une application sans publicité. On peut alors se demander comment l'entreprise réalisait ses revenus ?
Duolingo avait une clientèle de sites à fort contenu comme CNN, BuzzFeed, etc. Ces sites web voulaient que leur contenu soit traduit. Duolingo, avec l'aide de leur application, leur fournissait ces traductions à un prix très compétitif et beaucoup moins cher qu'un traducteur professionnel grâce à ses utilisateurs.
Pour ce faire, l’entreprise fournissait le texte à traduire dans le cadre du processus d'apprentissage, et les utilisateurs traduisait simultanément un texte pour leur apprentissage, ainsi qu’aux clients web de Duolingo. Lorsqu'un nombre défini d'utilisateurs donne la même traduction pour une phrase particulière, Duolingo considère que la traduction est légitime et l'enregistre comme le texte traduit et était ensuite revendu aux clients.
Aujourd’hui, Duolingo adopte un business model freemium, plus stable pour générer des revenus, avec deux offres. Une offre "gratuite" avec quelques limitations ainsi que l’utilisation de publicités mobiles afin de générer des revenus. Une offre payante, avec des achats in-app afin d'accéder à plus de contenu et une utilisation plus longue.
Il faut de plus savoir que l’utilisation de la publicité dans les applications n’est pas le fruit du hasard. Démocratisé par Google avec Adwords et Adsense, le champion toutes catégories dans l’utilisation des publicités et de ses utilisateurs pour générer du profit reste Facebook. En effet si l’entreprise offre son service gratuitement, elle collecte des données constamment sur ses utilisateurs qu’elle revend et utilise pour son service de publicités aux entreprises extrêmement ciblé. En effet, en collectant et analysant les milliards de données et interactions qui se passe sur son réseau social, Facebook a pu devenir le géant de l’informatique qu’il est désormais, le tout grâce à ses utilisateurs lui offrant une mine d’or en information, devenu source principale de ses revenus.
Conclusion
La question qui se pose alors pour les consommateurs/utilisateurs est la suivante: faut-il privilégier un paiement transparent dont il connaît la valeur? Ou privilégier un paiement immatériel dont l’évaluation monétaire est opaque et difficile à déterminer et souvent fait à son insu?